par Maxime JOLY
DESIGN
Les ventes de la Ferrari F355 commencèrent en Europe en 1994, suivie l’année suivante par le continent américain. C’est la GTB qui ouvrit le bal, avant d’être rejointe par les GTS et Spider. Derrière le nom GTS se cache tout simplement la version targa, sorte de compromis entre la berlinetta fermée et le Spider totalement à l’air libre. C’est pour beaucoup la version idéale de cette Ferrari du fait des contraintes imposées par le Spider. La ligne générale de la voiture n’est pas bouleversée, Pininfarina a joué la sécurité en conservant l’allure de la 348, tout en la modernisant suffisamment pour que la comparaison ne joue pas en sa défaveur. Là-dessus, aucun risque, la F355 enterre les berlinettes qui l’ont précédée et risque de faire subir aux suivantes le même sort vu la tournure prise du côté de Maranello… La face avant est redessinée de façon à canaliser les flux d’air sous le fond plat pour augmenter la déportance (effet Venturi) et avec son discret petit becquet arrière intégré au capot moteur, la belle n’oublie pas d’être aérodynamique. Environ 100 kg d'appui au total à vitesse maxi, sans utiliser d'aileron disgracieux, c'est une belle prouesse de la soufflerie. Les autres nouveautés sont la suppression des feux arrière façon Testarossa, remplacés par les classiques quatre phares ronds et les grilles latérales sont elles aussi supprimées. Enfin, les nouvelles jantes 18 pouces à cinq branches et merveilleusement sculptées en magnésium terminent le travail en beauté. Croyez bien que si j’avais un tel canon dans mon garage, j’y passerais toutes mes nuits. A la place de l’odeur du café et des croissants chauds au petit déjeuner, des émanations d’essence et d’huile, ça vous dit pas ?
HABITACLE
Culminant à 1m17 du sol, le pavillon de la Ferrari F355 impose de se laisser tomber dans le siège après avoir ouvert la portière, sans encadrement de vitre cela va sans dire. Ca se gâte une fois qu’on ouvre les yeux sur les matériaux et la qualité de fabrication qui contrastent avec le prestige du blason Ferrari. Il est vrai que les berlinettes du cheval cabré ont rarement été saluées pour leur finition, la faute en partie aux éléments partagés avec des Fiat de grande série, économies d’échelle obligent. Je les entends d’ici me rétorquer que dans une voiture de sport, ce n'est pas primordial. C'est un peu mieux dans la F355 que par le passé, mais quand on paye ce prix, on s'attend à mieux… Finis les chichis, on se lance et on s’installe à bord du baquet en cuir Conolly (ou bien en matériau composite, au choix). Climatisation automatique et lecteur CD affichent la couleur : cette Ferrari est faite pour enquiller les kilomètres et être utilisable au quotidien. A condition de se contenter des trois valises vendues à l’époque en option car les espaces de rangement se font rares. Surtout après la mise à jour effectuée en 1996 qui aboutit à la disparition de la boîte à gants à cause de l’airbag. Autre changement visible, le volant passa de trois à quatre branches. Si vraiment c’est du sport que vous voulez, l’option course devrait vous satisfaire, avec par exemple les baquets à coque en carbone et les harnais quatre points.
MOTEUR
Oubliez votre déception et tournez la clé. Attention, chef d’œuvre. Partant d’un bloc vieux de vingt ans, il a fallu mettre le paquet côté innovations pour enfin donner à ce V8, issu de celui de la Dino 308 GT4 , ses lettres de noblesse. Régulièrement mis à jour jusqu’à la 348 où il affichait 300 puis 320 chevaux, il se différencie d’abord sur la F355 par une petite augmentation de la cylindrée via l’allongement de la course. Sans prise de poids puisqu’il ne pèse que 168 kg. L’attrait du 3.5 litres réside avant tout dans le passage à 40 soupapes, expliquant l’appellation 355 au lieu de 358 pour la cylindrée et les cinq soupapes par cylindre. Le principe du Cinquevalvole sera même repris peu de temps après sur le V12 de la F50. Trois soupapes sont réservées à l’admission et deux à l’échappement, toutes avec des poussoirs hydrauliques. Les bielles sont en titane (un tiers de poids en moins face à l'acier) tandis que la distribution à 40 soupapes est capable de résister à un régime de 10.000 tours. Mécanique disposée à prendre 8.500 trs/min, avec une puissance maximale de 380 ch délivrée 250 tours plut tôt, toutes ces précautions ne sont pas là que pour épater la galerie. Au passage la F355 s'offrait le titre de la puissance spécifique la plus élevée pour un moteur atmoshérique de série, avec 109 ch/L. N'ayant pas osé la levée variable des soupapes, les ingénieurs Ferrari ont développé un autre procédé pour jouer sur la contre-pression afin de remplir au mieux les cylindres à bas régime. Les gaz d’échappement évoluent dans un circuit à trois catalyseurs dont le gros peut être isolé à bas régime. Bien que moins efficace que la distribution variable, cette méthode ne se révèle pas moins plaisante grâce à un caractère moins linéaire. Suffisamment plein en bas, le V8 Ferrari reprend sans sourciller et est capable d’évoluer sur un filet de gaz. Mais c’est dans les montées en régime que le potentiel de la bête se dévoile, une fois passé le cap fatidique des 5.000 trs/min avec les 8 papillons d'admission ouverts en grand. C’est là qu’on comprend qu’on n’a pas affaire à un moteur comme les autres et que le feu d’artifice commence. Des étoiles plein les yeux et des watts plein les oreilles ! La sonorité passe d’un grognement grave à un timbre plus aigu, typique des V8 Ferrari à haut régime. Tout le monde n’apprécie pas, personnellement j’adore. Juste un bémol, le son prend une tournure abominable aux alentours de 2.000 tours. Mieux vaut donc passer un bon coup d’accélérateur que de rouler au couple… La F355 débuta sa carrière avec la classique grille montée transversalement, comme sur la 348 TB. Mais contrairement à cette dernière, sa boîte mécanique n’affichait plus cinq mais six vitesses, comme ce fut le cas deux ans plus tôt sur la 456 GT. Elle se révèle légèrement plus facile à manier que par le passé, à condition que l’huile soit chaude. En fait, le plus cruel pour cette reine de beauté commence quand on regarde à la loupe les performances. Aussi fantastiques soient-elles, nous sommes tellement abreuvés chaque jour de chiffres extraordinaires que nous voilà confrontés à un phénomène de banalisation. 5 secondes pour atteindre 100 km/h - soit plus qu’une Audi TT-RS - et 24,2 secondes pour le kilomètre départ-arrêté - une BMW M5 e60 fait mieux - ne font plus rêver autant qu’avant. Heureusement que tout ne se résume pas à cela…
CHASSIS
Le comportement routier de la 348 fut longtemps décrié car jugé trop survireur, jusqu’à une correction apportée en 1992. Pour la F355, qui conserve la plateforme de la 348, un certain côté joueur est toujours présent mais les dérives du train arrière ne se montrent pas trop difficiles à rattraper (dans une certaine mesure). La motricité est excellente du fait du manque relatif de couple induit de la petite cylindrée du V8 et l’autobloquant taré à 25% en entrée et à 45 en sortie aide à la maniabilité sur le sinueux. En plus, l’amortissement piloté dispose de deux modes ; normal ou sport, ce dernier filtrant plutôt bien la prise de roulis. Seuls défauts constatés, le manque de présence du train avant engendré par les masses trop réparties sur l’arrière. Principalement ressenti à haute vitesse, on note aussi un comportement un peu trop sous-vireur. Pas de quoi interdire des vitesses inavouables en sortie de courbe où la voiture semble soudée à la route et semble en mesure de vous pardonner vos mauvaises manœuvres. Bien qu'identique à la 348, en cas de freinage d’urgence nécessaire, pas de panique, pied à fond sur la pédale, la F355 s’arrête nette. Sur la version 2.7, l’ABS Teves - souvent critiqué pour son action perturbée sur mauvaise route - était déconnectable à l’aide du bouton présent sur la console centrale, option qui fut finalement retirée sur la 5.2. Même chose pour la direction assistée qui a été montée d'office sur toutes les Ferrari F355 françaises. Une première pour une sportive de la marque et un signe important en faveur d'une utilisation plus "civilisée". En cas de conduite trop virile en revanche, attention au manque de rigidité constaté sur les Spider (et GTS dans une moindre mesure), débouchant sur le long terme à des craquements intempestifs à certains endroits de la carrosserie.