par Maxime JOLY
DESIGN
…Et ce surnom de Godzilla lui va bien à cette Nissan GT-R ! Véritable colosse, elle ne passe pas inaperçue et semble prête à tout ravager sur son passage. Vraie japonaise, du bout de son long capot plongeant jusqu’à son aileron démesuré, elle trouverait parfaitement sa place dans les mangas. Le concept car Skyline GT-R exposé au salon de Tokyo en 2001 préfigurait d’une révolution stylistique par rapport aux précédentes générations de Skyline, au point d’en perdre finalement l’appellation sur la version définitive de la Nissan "GT-R" dévoilée en octobre 2007. Le lien de parenté et l'héritage esthétique est malgré tout conservé. Il suffit d'observer la nouvelle GT-R pour le retrouver : traits marqués, angles droits (PGC10 GT-R de 1969), quatre feux arrière ronds (KPGC110 GT-R de 1973) et ouverture de la calandre (R34 GT-R de 1999). Mais le dessin de la Nissan GT-R est beaucoup plus travaillé qu’il n’y paraît et le Cx affiche une excellente valeur de 0,27. Plus on la regarde et plus on comprend qu’elle n’est pas là pour faire de la figuration : passages de roues proéminents, extracteurs d’air latéraux, jantes 20 pouces et quatre énormes sorties d’échappement. Pas de doute, elle est là pour en découdre mais ce côté ostentatoire était le but recherché par le constructeur nippon, comme en atteste Shiro Nakamura. Après, c’est une affaire de goût, on peut ne pas aimer. Personnellement, j’adore…
HABITACLE
Avec un ticket d’entrée supérieur à 80 000 €, la qualité de fabrication se devait d’être nettement supérieure à ce que propose le reste de la gamme Nissan. De ce point de vue, c’est totalement réussi. Une fois (confortablement) installé dans le siège baquet enveloppant, la Nissan GT-R apparaît comme étant aussi décalée à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le soin de développer l’ordinateur de bord a été confié à Polyphony Digital Inc., créateurs de Gran Turismo. Le lien avec l’univers du jeu video est évident et l’ODB distille toutes les informations nécessaires à la vie au sein de la voiture. Et quand je dis toutes, c’est toutes… Pression du turbo, température, vitesse et consommation moyennes, accélérations en courbe et même un mode économique pour savoir quand passer les rapports sans trop consommer. C’en est trop, on s’y perd vite… Le volant multifonctions regorge de boutons multimédias et exhibe fièrement une large inscription GTR. De plus, il est habillé de cuir, cuir que l’on retrouve un peu partout dans l’habitacle. La graduation va jusqu’à 340 km/h tandis que la majeure partie du tableau de bord est occupée par le compte-tours central. Il ne manque que la clé de contact à gauche pour que la provocation soit totale… La console centrale regroupe la climatisation, l’équipement Hi-fi Bose (dont un haut-parleur sépare les deux sièges à l’arrière) et surtout permet de gérer en temps réel les différents modes de conduite de la voiture à l’aide de trois molettes. Avec ses deux places arrière, la Nissan GT-R ferait presque office de familiale mais la faible garde au toit empêchera toute personne de grande taille d’y loger confortablement. L’accessibilité compliquée de ses places est aussi à pointer du doigt. En revanche, les 315 litres du coffre assurent une capacité de rangement inédite dans la catégorie.
MOTEUR
Au vu de ses performances dignes d’un avion de chasse, on pourrait s’attendre à trouver au moins un V8 dans le compartiment moteur de la Nissan GT-R. Que nenni ! Nissan s’est contenté d’un gros V6 de 3.8 de cylindrée qu’il a dopé par un turbocompresseur IHI (avec intercooler) par banc de cylindres. Ainsi équipé, le VR38DETT (c’est son petit nom…) délivre une puissance (officielle) de 485 chevaux pour un poids total de 276 kilos. Précision importante étant donné que de nombreux essais au banc ont vu la puissance dépasser allègrement la valeur symbolique de 500 ch. Preuve qu’il n’y a pas que chez Porsche qu’on est capable de tirer des valeurs stratosphériques d’un six cylindres… Bien que développé exprès pour la GT-R, ce bloc 24 soupapes contrôlé par deux doubles arbres à came en tête dérive étroitement des moteurs de course et des V6 VQ équipant entres autres, le coupé 370Z . Il est assemblé à la main par un seul homme dans une salle spécialement conçue à cet effet dans l’usine Nissan de Yokohama. Le couple n’est pas en reste avec pas moins de 588 Nm revendiqués (à titre de comparaison, c’est plus que la Ferrari 458 Italia) de 3200 à 5200 tours/min. Mais encore fallait-il avoir une boîte capable d’encaisser sans sourciller cette débauche de couple. Le choix s’est porté sur la boîte à double embrayage Borg-Warner GR6 qui comme son nom l’indique dispose de six rapports. Elle permet à elle seule de grappiller quelques précieuses secondes grâce à ses temps de passage imperceptibles. Plusieurs modes sont disponibles dont le tout automatique ou bien a contrario le manuel dont le changement de rapport se fait via les palettes fixes (de dimension généreuses) placées derrière le volant. Si vous avez encore des doutes sur les aptitudes du « monstre », imaginez une vitesse maximale de 310 km/h et un 0 à 100 km/h abattu en 3,5 secondes. Des performances faisant de notre japonaise du jour la GT 4 places la plus rapide du monde dans le livre Guiness des records. Afficher une telle santé malgré un moteur placé en position centrale… avant relève de l’exploit. Afin de pénaliser le moins possible la répartition des masses (qui est de 53/47), la GR6 est accolée au pont arrière. Il y eut quelques désagréments à cause de la fonction (au combien inutile…) Launch Control dont beaucoup abusèrent. Il est vrai qu’être le roi du départ-arrêté au feu rouge a de quoi apporter son moment de gloire… Blague à part, le système fut modifié par rapport aux plusieurs livraisons pour limiter tant que possible les casses. Je terminerai ce paragraphe par un reproche. La sonorité d’origine de l’engin est trop feutrée, sans doute la faute aux turbos, et aurait méritée d’être davantage mise en avant. Attention, la moindre modification fait sauter automatiquement la garantie constructeur…
SUR LA ROUTE
En découvrant la Nissan GT-R, on retourne quelques années en arrière. On se revoit à la fête foraine en train de piaffer d’impatience pour notre tour de manège. Hors de question pour moi de passer mon tour dans ce grand 8 japonais… A la lecture des spécificités techniques, il est légitime de se demander comment, tout en étant si lourde et si imposante, la Nissan réussit à défier les lois de la physique et à sortir des temps si incroyables. Citons pour commencer son favorable Cx en grande partie responsable des 300 km/h allègrement atteints. Ce résultat est le fruit d’une étroite collaboration avec Lotus Europe et Yoshitaka Suzuka. Il y a ensuite sa transmission intégrale permanente ATTESA E-TS qui fait des miracles, capable grâce à une centrale électronique de répartir le couple de 50 à 100 % vers l’arrière. Tout cela en fonction des données récupérées en temps réel sur la qualité du revêtement, l’adhérence ou bien encore l’accélération latérale. L’autobloquant mécanique n’a pas été oublié, auquel est associé un antipatinage électronique. A la manière du Manettino de Ferrari (sauf qu’il n’est pas placé sur le volant), il est possible de switcher entre plusieurs modes de conduite. De base, l’ESP est actif, avant de se montrer moins intrusif pour laisser plus de latitudes au conducteur sur le second mode. Pour ceux qui ne veulent pas entendre parler du correcteur de trajectoire, ils peuvent le déconnecter totalement. Avec des suspensions à double triangulation à l’avant et multibras à l’arrière, la Nissan GT-R inaugure un tout nouveau système appelé Premium Midship pour gommer tout roulis grâce à une répartition des masses idéale sur les quatre roues. Pour stopper et non simplement ralentir Godzilla, il fallait bien les quatre gros disques ventilés Brembo de diamètre de 380 mm associés à des étriers monoblocs à sic pistons à l’avant, et quatre à l’arrière. Remarquez le montage en trois points des étriers pour limiter leurs déformations. Pas de freins céramiques, même en options. La direction est précise et directe et grâce à elle, le feeling de la route se fait naturellement. La position de conduite de la GT-R est elle aussi au-dessus de tout soupçons, il faut dire qu’avec un réglage possible au millimètre, les conducteurs les plus pointilleux pourront prendre leur temps pour s’approprier le poste de conduite. Véritable kart, la voiture jouit d’une efficacité impressionnante en toute circonstance et malgré ses 4 roues motrices, sa répartition typée propulsion plaira aux adeptes du survirage, modéré tout de même… Le problème face à une telle efficacité est votre permis de conduire et sa liste de points loin d’être infinie. Impossible d’atteindre les limites de l’auto, il est d’autant plus facile de se prendre au jeu et par un pilote par la même occasion. Et généralement, c’est là que les soucis arrivent… Alors pour se faire plaisir, il n’y a pas dix mille solutions possibles et la sortie circuit devient incontournable. Mais avant d’y poser les roues, il faudra passer chez Nissan pour un contrôle complet. Contrôle qui sera à refaire dès votre retour pour voir l’utilisation faite. Coût de l’opération : 150 €. Auxquels il sera possible d’ajouter le prix de la vidange si les techniciens du constructeur l’estime nécessaire…